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Pendant des dizaines d’années, j’ai mené deux vies. J’étais commis d’unité dans un hôpital et aide-infirmière dans un foyer de soins de longue durée. Je voulais aider les malades et les personnes mourantes. J’adorais mon travail, mais c’était comme si l’alcool me gardait en vie, gérait ma douleur et mon insécurité mentale et qu’il me permettait de fonctionner. J’aurais dû pouvoir m’ouvrir et parler à mes collègues, essayer d’obtenir de l’aide. J’aurais dû pouvoir laisser tomber le masque et laisser la véritable moi émerger. JE SUIS UNE ALCOOLIQUE. Pour être honnête, cela me donnait une peur bleue.

Pourquoi ne l’ai-je pas fait? La stigmatisation y était pour beaucoup. Dangereusement, alcoolisme et stigmatisation vont de pair. Je dis « dangereusement » parce que la stigmatisation peut être une des raisons qui empêchent les gens, comme moi, d’obtenir de l’aide. Stigmatisation est un mot d’origine grecque et latine qui signifie « marque sur la peau », souvent faite au fer rouge. Dans la Grèce antique, cette marque servait à identifier les criminels, les esclaves et les parias – des personnes qui n’étaient pas dignes de confiance, qui étaient dangereuses et qu’il fallait éviter à tout prix. Aujourd’hui, les personnes qui ont une dépendance ne sont pas physiquement marquées avec l’équivalent d’un « D » écarlate, ce qui ne rend pas moins réelle la marque émotionnelle.

La stigmatisation associée à la dépendance découle des sentiments négatifs que beaucoup de professionnels de la santé éprouvent à l’égard des personnes aux prises avec des troubles liés à la consommation de substances et du fait qu’ils croient que la maladie résulte de mauvais choix personnels, d’une « défaillance morale » et de défauts de caractère. Or, ces sentiments et ces croyances reflètent ceux du grand public. Par conséquent, la personne qui a une dépendance a honte de demander de l’aide. Des études ont montré que les professionnels de la santé humilient les personnes qui ont une dépendance plus que les autres. Est-ce qu’une personne atteinte de diabète qui réussit tant bien que mal à maîtriser sa glycémie serait privée de son droit de travailler, de subvenir aux besoins de sa famille ou de poursuivre ses propres intérêts dans la vie? Et qu’en est-il de la personne atteinte d’asthme qui fume, ou de la personne ayant une maladie du cœur qui consomme une tonne d’aliments gras? Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi mon besoin d’obtenir désespérément de l’aide était plus embarrassant que celui de la personne souffrant de la goutte.

Si on pense à la façon dont la société considère les dépendances en général, que ce soit à l’alcool ou à d’autres drogues, elle nous considère tous comme des BONS À RIEN.

Comme nous ne pouvons pas contrôler la quantité de substances que nous mettons dans notre corps, nous devons être fous; les personnes « normales » peuvent, elles, prendre seulement une bière. Je n’étais pas une de ces personnes. J’avais l’impression de ne pas mériter d’aide. Juste une pauvre soûlonne. Plus je me laissais succomber à la maladie, plus ma santé mentale et physique se détériorait. Même comparées aux personnes ayant d’autres troubles de santé mentale sans lien aux substances, les personnes ayant une dépendance à l’alcool sont moins souvent considérées comment ayant une maladie mentale. On les tient beaucoup plus souvent responsables de leur état. Elles suscitent le rejet social et des émotions négatives dans une plus grande mesure et elles risquent davantage de faire l’objet d’un jugement fondamental.

Conclusion : L’alcoolisme est un trouble mental gravement stigmatisé.